EveLiN Livre blanc: Leçon de chose sur l’État Civil I

L’objet de cette note est de bien appréhender la spécificité du monde de l’État Civil par comparaison à celui de l’Identité, tant il est vrai qu’en premier analyse, le processus d’état civil s’apparente très fort à un processus identitaire : on retrouve une première phase d’enrôlement de la personne, qui débouche sur l’émission d’un document que l’on cherche à sécuriser.

Il y a pourtant cinq différences majeures¹:

1. L’enrôlement « Etat Civil » est fondateur de l’identité

L’identité légale d’une personne est créée à l’issue de la phase d’enrôlement ; tous les autres processus de l’enrôlement identitaire renvoient à cette identité fondatrice.

2. L’enrôlement « Etat Civil » est déclaratif

L’objectif central de l’enrôlement Etat Civil (EC) est de donner une identité à un enfant. Cet enregistrement est exécuté à l’issue d’un processus déclaratif, par une personne ayant assisté à l’accouchement du nouveau-né. Il existe des processus classiques de vérification de la véracité des dires de la déclaration mais ils peuvent être tous légalement contournés. Aucune contrainte administrative ne doit in fine empêcher la déclaration de naissance

Les processus de vérification sont notamment :

L’habilitation à la qualité d’Officier d’Etat Civil (OEC)² des personnels ayant la capacité juridique à recueillir la déclaration. L’ensemble des maires possède cette qualité. C’est au final le principal garde- fou contre les déclarations fantaisistes.
La présentation par le déclarant d’une attestation médicale confirmant la naissance est la plupart du temps nécessaire ³. Mais il demeure possible de déclarer un enfant sans cette attestation ; il est demandé à l’OEC d’enregistrer une naissance⁴ en ayant l’intime conviction que la naissance a bien eu lieu, si nécessaire en se rendant sur le lieu de l’accouchement. L’indication de la filiation est une information de deuxième ordre.
Sur le même registre, il faut savoir que la reconnaissance d’une paternité d’un certain pays (comme la France) est également déclarative et peut amener à une procédure contradictoire (avec la mère ou un autre candidat).⁵

3. L’enrôlement « Etat Civil » n’établit pas de lien biométrique

C’est une trivialité ; on ne prend pas l’empreinte ou l’iris des nouveaux nés. Sauf à imaginer une prise d’empreinte plantaire ou un recueil de fragment ADN, il faut bien admettre que la création d’une identité n’a pas de support objectif. C’est le résultat d’une « enquête » : il est éminemment probable qu’un enfant soit né, donnons-lui une identité !

4. L’enrôlement d’Etat Civil donne lieu à la remise d’un document, un récépissé d’attestation de l’identité crée, mais ce document est remis à des tiers

Seconde trivialité ; l’extrait de naissance est remis aux parents, tuteurs de l’enfant. Il n’y a pas de lien biométrique entre le document/récépissé créé et le titulaire. Rien n’empêche les parents d’attribuer le document et l’identité créée à un autre enfant. Il y a des failles structurelles dans le suivi de l’identité pendant la jeunesse d’un individu.

5. La procédure est gérée par la loi

Compte tenu de son importance, le monde de l’Etat Civil est organisé, règlementé par la loi (Code Civil) et non par l’Autorité Administrative. L’adaptation du corpus réglementaire est donc forcément plus lourde et astreignante.
A ce stade, on s’est particulièrement intéressé à la déclaration initiale de naissance. S’agissant de la déclaration de décès, elle est un peu de même nature. En France, toutefois, l’encadrement légal de l’inhumation est une incitation forte à la déclaration de décès.⁶
Les mariages/divorces/adoption sont des procédures d’Etat Civil qui échappent à la logique déclarative et sont au final des procédures administratives classiques. On peut refuser de marier une personne si on n’est pas sûr de son identité

Antoine Boulin: Consultant État Civil pour la société Digitech

 

¹ Ces différences sont établies par référence au droit français mais la plupart des remarques valent pour l’ensemble des législations nationales.
² Dans le contexte africain, où on essaye d’étendre le plus possible ce niveau de tiers de confiance (chef de village, instituteurs, auxiliaire de santé…) pour permettre un maillage serré du territoire, le garde-fou peut être moins solide.
³ Evidemment, pas dans la plupart des pays africains.
⁴ Ou un décès dans le cas de la procédure de décès.
Il faut avoir en tête que le Code Civil français intègre toute l’évolution d’une société depuis plus de deux siècles. C’est une bonne illustration de la docta darwinien, l’ontogénèse récapitule la phylogénèse.
⁶ On ne peut inhumer que dans une concession ou sur autorisation administrative ; et en tout état de cause, après présentation de la déclaration de décès
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